vendredi 12 septembre 2014

Rien que la vérité


 
"La vérité, c'est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos".
Antoine de Saint-Exupéry
 
 
" Maman, est- ce que tu vas bientôt mourir ?
Ma fille de 8 ans me posa cette question au retour d’une hospitalisation de plusieurs jours… je venais d’apprendre que j’avais la sclérose en plaques, et ce n’était que le début d’une longue série d’aller retour à l’hôpital et de traitements éprouvants pour combattre les effets et l’évolution de cette maladie qui venait de s’introduire dans notre intimité familiale.

 
A cette époque notre fils ainé avait 11 ans, sa sœur cadette 8 ans, et le petit dernier 6 ans. Dix huit mois plutôt, la meilleure amie de ma fille avait perdue sa maman emportée par un cancer. L’enfant avait annoncé le matin dans le car à la cantonade, (d’après ma fille choquée que son amie ne pleure pas, mais aussi la monitrice qui accompagnait les enfants) : " eh bien ma maman elle est morte hier ! ". Je me suis alors demandé ce qu’un jeune enfant pouvait ressentir, comment il comprenait les choses graves qui arrivaient ainsi, et si cette façon de l’exprimer était le seul moyen pour lui d’extérioriser une souffrance qui dépasse le cadre de ses pensées.

Je n’avais pas revu le pédiatre des enfants depuis quelques semaines lorsque je suis  tombée sur lui  au coin d’un couloir, en sortant d’une de mes hospitalisations. Je me demandais justement ce qu’il fallait dire aux enfants, et comment ? Le pédiatre s’est étonné de me voir en ces lieux et m’écouta. Il me répondit à la question pour les enfants : " dites leur la vérité ! Ils ont le droit de savoir que vous êtes malade, en traitement et fatiguée, sinon, ils ne vont pas comprendre. Ils risquent même de s’imaginer un tas de choses, croire que vous allez partir, ou que vous ne les aimez plus. En parlant avec eux, vous allez dédramatiser et mettre des mots sur leurs interrogations ".

Après avoir prié pour trouver les propos adéquats, nous avons expliqué aux enfants cette maladie embêtante, très fatigante et qui m’obligeait à avoir des piqures et à me reposer souvent, et à comprendre pourquoi des dames viendront m’aider à faire le ménage. Puis les enfants ont trouvé tout naturel de prier pour la guérison de leur maman et la bonne marche de la maison, ils sont si simples devant Dieu.
Les enfants ont grandi et sont devenus adolescents. Je suis peut être une maman un peu différente des autres, mais ils savent et voient que ma foi en Dieu me soutient. J’essaie simplement de leur transmettre toute l’espérance qu’elle me donne…"
 
La vérité n'est pas toujours facile à dire, mais si nous voulons maintenir un climat de confiance et rester des modèles pour nos enfants, nous devons la dire.
C'est la vérité qui ceindra nos reins et non le mensonge qui nous fera défaillir.
Bien sûr, nous devons la dire avec beaucoup d'amour et de tact, car la vérité n'est pas toujours facile à entendre. Mais les secrets sont beaucoup plus lourds à porter que la vérité! C'est la vérité qui affranchit et le mensonge qui nous lie.
Les enfants ont une imagination débordante et une intuition acérée, si nous ne leur disons pas la vérité, ils sentiront un malaise et inventeront toutes sortes de situations pires que la réalité!
C’est souvent le désir de protéger les enfants qui creuse un fossé avec l’adulte. Sans prévenir, le non-dit succède aux paroles fluides et les rires se fracassent sur un mur de silence que l’enfant ne peut comprendre ni accepter.
Le non-dit entraîne toutes sortes d’effets néfastes, car il accroît l’angoisse de l’enfant, qui perçoit celle des adultes sans la comprendre.
Un parent licencié, un proche décédé, une maladie grave dépistée, un divorce qui s'annonce, un accident, une arrestation, un déménagement soudain... peu importe la gravité du problème, l'important c'est la façon de l'aborder avec l'enfant selon son âge et sa sensibilité.
Engager le dialogue avec l’enfant, c’est répondre à son attente. Plus profondément, c’est aussi reconnaître sa capacité de comprendre, lui marquer notre confiance d’adulte et le mettre en situation de grandir . C'est le rôle primordial des parents de maintenir et d'encourager la croissance de leur enfant malgré l’épreuve.
L’enfant se construit sur la totale confiance qu’il a en ses parents.Lorsqu’il découvre qu’on l’a trompé ou qu’on lui a menti, il perd cette confiance. L’inquiétude, la culpabilité voire le traumatisme qui s’ensuivent peuvent alors compromettre gravement son développement ultérieur.

Quand rien ne leur est dit,  les enfants expriment leur inquiétude par des comportements symptomatiques variant en fonction de leur âge et de leur stade de développement. L’agitation traduit la nécessité pour eux de s’éprouver vivants. L’agressivité est l’expression de la colère qui se déplace sur les autres enfants à défaut de pouvoir s’adresser directement aux parents. Les troubles du sommeil se manifestent soit par la difficulté à s’endormir, soit par des  cauchemars. Cette inquiétude peut se manifester par des perturbations du comportement alimentaire: anorexie ou boulimie. L’anxiété peut provoquer l’arrêt des apprentissages comme la propreté, la marche, l'autonomie ou l'apprentissage scolaire.
Quand rien ne lui est dit, le débordement de l’imagination de l’enfant, qui tente de trouver une explication à ce qu’il perçoit, l’empêche de se concentrer. Les symptômes somatiques : mal au ventre, asthme, eczéma... et les difficultés relationnelles  sont aussi des  révélateurs du mal-être de l’enfant.
Tous ces comportements s’expriment différemment selon le stade du développement de l’enfant, bien que les inquiétudes soient identiques. Quel que soit le degré d’autonomie, ils sont autant de signaux d’appel qu’il est important de décoder.
 
Si leur attente ne se traduit pas en questions, c’est bien souvent parce que les enfants perçoivent la réticence des parents à parler de ce qui se passe, et qu’ils ne s’autorisent pas à les interroger. Mais les adultes qui justifient leur silence par celui des enfants qu’ils interprètent comme de l’indifférence se trompent, car il est tout sauf cela.
Dans d’autres cas, c’est la crainte d’être débordés par l’émotion et de pleurer devant l’enfant qui pousse les parents à se taire. Or, ce ne sont pas tant les larmes qui inquiètent l’enfant que de ne pas en connaître la cause.
Il est important d’expliquer les raisons de cette tristesse, mais aussi de laisser l’enfant exprimer ce qui l’affecte, et l’aider à le faire plutôt que le garder pour lui.
Un enfant en retrait et qui n’exprime rien est plus inquiétant qu’un enfant qui manifeste son chagrin, car cette attitude est fréquemment liée à un état de choc ou à la sidération de sa pensée. Ce n’est pas parce que l’on ne montre rien que l’on n’éprouve rien. Bien au contraire!

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