mercredi 28 septembre 2016

Dans le jardin du Roi




1 Samuel 16.7 
"L’Eternel ne considère pas ce  que l’homme considère ; 
                         l’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais  l’Eternel regarde au cœur."


Un jour le Roi Howd invita Nymphéa à visiter un jardin caché dans une crique de l'île verte. 
Bras dessus, bras dessous, ils partirent donc à sa découverte par de petits sentiers qui serpentaient au pied des falaises. Ils se promenèrent d'abord dans un jardin de plantes aromatiques, tracé en éventail et présentant des carrés de cerfeuil, de menthe, d’estragon, d’origan et d’oseille. Puis ils prirent du repos dans des allées ombragées. Et enfin, ils arrivèrent dans un écrin végétal recelant de merveilleuses richesses botaniques et de plantes tropicales très rares. Le grand Berger s'extasiait, mais Nymphéa voyait bien que quelque chose clochait. 

S'étonnant du manque de perspicacité de son Berger, elle lui fit remarquer :
       - Je suis désolée, mais les plantes et les arbres de ce jardin ne sont pas si beaux que tu le dis…
       - Ah oui ? fit-il, feignant de ne pas s'apercevoir de l'état des végétaux.
       - Mais tu ne vois donc rien ? s'irrita-t-elle, en constatant qu'il se moquait d'elle.
       - Que reproches-tu à ce jardin ? lui demanda-t-il enfin.
       - Il a dû être magnifique, mais ne vois-tu pas que ses arbres et ses fleurs sont tout desséchés et fanés ?
       - Ah ! Tu l'as remarqué ? dit-il en riant.
       - Là, tu me fais marcher… Pourquoi m'as-tu emmenée ici ?
       - Pour te donner une leçon de nature…
       - Je t'écoute, le défia-t-elle, en plantant ses yeux pers dans son regard infini.
       - Crois-tu que ces plantes peuvent parler ? Nous pourrions leur demander ce qui leur est arrivé…
       - Avec toi, tout est possible… fit Nymphéa, s'attendant à tout de sa part. 


       Le grand Berger la conduisit alors vers un arbre à mouchoirs autrefois majestueux et plein de vie. 
Il l'interrogea pour savoir ce qui s'était passé et l'arbre tout triste lui répondit :
       - J'ai regardé le figuier et je me suis dit que jamais je ne produirai les fruits succulents qu'il porte. Je me suis découragé et j'ai commencé à sécher.
       - Allons donc voir ce figuier ! fit le Berger en entraînant Nymphéa à sa suite.
       Chagrinée, elle constata que lui aussi se desséchait. Le Berger interrogea l'arbre qui était sensé porter de si bons fruits et celui-ci répondit :
       - En regardant les roses et en sentant leur parfum, je me suis dit que jamais je ne serai aussi beau et agréable et je me suis mis à sécher.
       Comme les roses elles-mêmes étaient en train de dépérir, il alla leur parler et elles lui dirent :
       - Comme c'est dommage que nous n'ayons pas l'âge du châtaignier qui est là-bas et que nos feuilles ne se colorent pas à l'automne. Dans ces conditions, à quoi bon vivre et produire des fleurs ? Nous nous sommes donc mises à nous dessécher.



       Le Berger et sa protégée poursuivirent leur exploration, lorsque soudain, Nymphéa aperçut une magnifique petite fleur toute épanouie. Elle ressemblait à un simple pompon rose qui se dressait majestueusement au milieu d'un parterre flétri. Étonnée et réjouie, Nymphéa courut vers elle et lui demanda :
       - Comment se fait-il que tu sois encore vivante, petite pivoine, alors qu'un vent de décrépitude a anéanti tout ce jardin ?
       - J'ai failli moi aussi me dessécher, car au début je me désolais. Je me disais que jamais je n'aurai l'originalité de l'arbre à mouchoirs qui porte d'étranges fleurs semblables à des pochettes de soie blanche, ni le raffinement et le parfum des roses ; jamais je ne porterai de figues délicieuses et parfumées, ni même de châtaignes brunes et luisantes. Dans mon désespoir, j'ai alors commencé à dépérir ; mais j'ai réfléchi et je me suis dit : si le Roi Howd qui est si riche, si puissant et si sage avait voulu quelque chose d'autre à ma place, il l'aurait planté. Si donc, il m'a plantée, c'est qu'il me voulait telle que je suis. Et à partir de ce moment, j'ai décidé d'être la plus belle possible !
       - J'ai compris la leçon ! s'exclama Nymphéa en contemplant la petite pivoine délicieusement colorée et pleine de vie.



Sophie Lavie - Extrait du tome 1 - Le Royaume du Trine - Au fil de la vie - Chapitre 12 -

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