samedi 13 septembre 2014

Les billes rouges


J'étais à l'épicerie du coin, en train d'acheter des pommes de terre nouvelles.
J'ai remarqué un petit garçon, pauvrement vêtu mais propre, regardait avec envie un panier de fèves vertes fraîchement cueillies.
Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre la conversation entre Monsieur Miller, le propriétaire du magasin, et le pauvre garçon qui était à côté de moi.
"Barry, comment vas-tu aujourd'hui?"
"Bonjour M. Miller!
Ça va bien merci. J'étais juste en train d'admirer vos fèves.
Elles ont l'air vraiment très bonnes."
 
"Elles sont bonnes, Barry. Comment va ta mère?"

"Bien, merci."

"Puis-je faire quelque chose pour toi ?"

"Non Monsieur, je ne faisais qu'admirer ces fèves."

"Voudrais-tu en rapporter à la maison ?" demanda M. Miller.

"Non Monsieur, je n'ai rien pour les payer."

"Eh bien, que pourrais-tu me donner en échange de quelques fèves ?"

"Tout ce que j'ai, c'est ma précieuse bille que voici."

"C'est une vraie ? Laisse-moi la voir." dit M. Miller

"Voici, elle est de qualité."

"Oui, je peux voir ça."

"Hum, la seule chose, c'est qu'elle est bleue et j'en recherche une rouge vif.
En as-tu une rouge comme ça chez toi?"

"Pas rouge vif, mais presque."

"Tu sais quoi, ramène ce sac de fèves avec toi à la maison et, quand tu repasseras dans le coin, tu me montreras cette bille rouge" lui dit M. Miller.

"Bien sûr, M. Miller. Merci."

Madame Miller, qui était debout juste à côté, vint pour m'aider...
Avec un sourire, elle a dit :
"Il y a 2 autres garçons comme lui dans notre quartier. Les trois sont dans des conditions vraiment précaires.
Jim adore marchander avec eux, pour des fèves, des pommes, des tomates ou n'importe quoi d'autre.
Lorsqu'ils reviennent avec leurs billes rouges, et ils le font toujours, Jim décide que, finalement, il ne veut plus de rouges et les renvoie chez eux avec un sac d'une autre marchandise, en échange d'une bille verte ou une orange, lorsqu'ils reviendront au magasin.

J'ai quitté le magasin avec un sourire au cœur, impressionné par cet homme.

Peu de temps après j'ai déménagé, mais je n'avais jamais oublié l'histoire de cet homme, des garçons et de leurs marchandages de billes.

Plusieurs années passèrent, chacune plus rapidement que les précédentes.

Récemment, j'ai eu l'occasion de visiter de vieux amis dans mon ancien quartier, et j'apprenais que M. Miller était décédé.

Il y avait les funérailles ce soir là, et mes amis désiraient s'y rendre. Je les ai accompagnés.

À notre arrivée au salon, nous étions dans une ligne pour rencontrer les personnes éprouvées et leur offrir nos sympathies.

Devant nous, dans la ligne, il y avait trois jeunes hommes.

L'un d'eux était en uniforme d'armée et les deux autres hommes étaient bien coiffés, en habit noir et chemise blanche... Tous paraissaient vraiment bien.

Ils s'approchèrent de Madame Miller, qui était debout calme et souriante à côté du cercueil de son mari.

Chacun des trois jeunes hommes lui fit une caresse, l'embrassa sur la joue, lui parla brièvement et s'approcha du cercueil.

Ses yeux bleus clairs rougis les suivirent et, un par un, chacun des jeunes hommes s'arrêta brièvement et mit sa main tout au-dessus de la main pâle et froide dans le cercueil.

Chacun d'eux sortit maladroitement du salon, en essuyant ses yeux.

C'était notre tour de rencontrer Mme Miller.

Je lui ai dit qui j'étais et lui rappela l'histoire qui s'était passée il y a longtemps, et ce qu'elle m'avait raconté concernant les marchandages de billes.

Avec ses yeux brillants, elle prit ma main et me conduit au cercueil.

Ces trois jeunes hommes qui viennent juste de quitter étaient les garçons dont je vous parlais.

Ils viennent tout juste de me dire combien ils avaient apprécié la façon dont Jim les marchandait.

Maintenant, finalement, puisque Jim ne pouvait plus changer d'idée concernant la couleur ou la grosseur de la bille... ils sont venus payer leur dette.

Nous n'avons jamais eu l'occasion de faire fortune dans ce monde, me confia-t-elle, mais, présentement, Jim se serait considéré comme l'homme le plus riche au monde.

Avec tendresse, elle leva les doigts de son mari décédé.

En-dessous de sa main se trouvaient trois billes d'un rouge éclatant.

La morale de cette histoire:
On ne se souviendra pas de nous par nos paroles, mais par nos bonnes actions.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

Lily Bellule et Hippo-Tamtam

  Lily Bellule et Hippo-Tamtam Un conte poétique sur l'hypersensibilité émotionnelle Sophie Lavie (auteure et illustratrice)   Ja...