« Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu,
afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois
vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour
oindre tes yeux, afin que tu voies» (Apocalypse 3/18).
L’exhortation à acheter est parfois mal comprise parce que l’Écriture met nettement l’accent sur la gratuité de la faveur de Dieu. Les hommes sont « gratuitement justifiés par sa grâce» (Rom. 3/23 et 24), le Salut est gratuit (Rom. 5/15 et 16) parce que « le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur» (Rom. 6/23).
Comment concilier une parfaite orthodoxie avec le conseil adressé à l’église de Laodicée, d’acheter de
l’or purifié, un vêtement blanc, et un collyre ? Pourquoi acheter ce
qui nous manque alors que l’épître aux Philippiens nous encourage
simplement à le demander à Dieu ? «Ne vous inquiétez de rien; mais
en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et
des supplications, avec des actions de grâces» (4/6).
Tout simplement parce que l’exhortation adressée à l’église de
Laodicée ne concerne pas le salut ni la faveur de Dieu mais ses effets
dans notre vie. En effet, les éléments cités (or pur, vêtement blancs
et collyre) sont des acquisitions issues d’une confiance absolue en
Christ et dans sa parole, qui entraîne notre obéissance vivante.
Et l’obéissance (l’abandon de notre souveraineté pour celle de Christ) a un prix.
L’obéissance ne mène pas
toujours à la confiance, mais la confiance mène toujours à l’obéissance.
Ce n’est pas un petit détail de noter que le conseil ne porte pas
simplement sur le fait d’acheter de l’or, mais surtout d’acheter de l’or
purifié, encore plus coûteux. La tentation de
s’arrêter à une adhésion limitée, superficielle à la vérité, peut
atteindre tout un chacun. Il est donc tout à fait possible de se contenter d’un or qui n’a pas été
passé par le feu de l’épreuve de vérité personnelle — celle où la vérité
cesse d’être un concept pour devenir une réalité, notre réalité.
Laodicée est prête à porter tous les fruits qu’on veut bien, mais en
demeurant en-deçà d’une certaine limite : elle s’arrête donc en chemin,
un état à mi-température qui lui convient, qu’elle estime suffisant.
Elle est en Christ, elle est toute prête à
lutter pour sauvegarder ses valeurs, à développer son espace
d’influence, à multiplier les églises, à organiser une meilleure
visibilité de sa notoriété, mais son christianisme ne va pas jusqu’au
don de soi-même.
Elle veut bien vivre pour des idées, mais elle n’est pas prête à mourir
pour des idées. Elle se laisse donc entraîner loin des enseignements et des expériences radicales : la séparation des ténèbres d’avec la
lumière, de la vérité d’avec le mensonge, de la chair et de l’Esprit.
C’est pourquoi la voix de l’Esprit exhorte ce christianisme à acheter. Parce qu’une foi qui ne coûte rien à celui qui la professe n’a aucune valeur spirituelle. Et cet appel ne nous renvoie pas
simplement au message de la Croix, à une nouvelle méditation sur la
Croix, mais à une expérimentation personnelle de la croix, de notre croix. Jésus a porté la sienne, il ne portera pas la nôtre.
Cette nécessité spirituelle d’entrer dans un chemin coûteux, qui va
générer une marche au cours de laquelle nous pouvons réaliser la perte
de certaines choses (mais gagner Christ),
se trouve en filigrane de l’ensemble des enseignements
néo-testamentaires. Nous en avons une illustration en écoutant les
messages que Jésus délivre à ses auditoires : aux foules qui viennent à
lui pour être secourus, bénis, guéris, délivrés, il ne demande rien.
Il donne gratuitement, et il prend même soin de laisser
cette recommandation aux apôtres : « Guérissez les malades,
ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous
avez reçu gratuitement, donnez gratuitement» (Math. 10/8).
Mais à ceux qui veulent Le suivre et devenir des disciples, il demande tout : « Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple» (Luc 14/33) et «
Alors Jésus dit à ses disciples: si quelqu’un veut venir après moi,
qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me
suive» (Mat. 16/24).
C’est cela, le feu qui purifie l’or. Jésus est dans la flamme et
c’est en entrant dans cette flamme que le disciple deviendra comme son
maître. Pour devenir chrétien, il n’y a rien de plus simple : les bras de
Jésus sont grands ouverts. Mais pour demeurer chrétien, pour devenir un
fils ou une fille de Dieu accompli, il n’y a rien de plus difficile.
Cela ne se résume pas seulement à un problème de bien ou de mal, de
péché ou de justice, mais de savoir jusqu’où ira notre confiance en Lui et dans ce qu’Il dit.
Sa vision est-elle vraiment juste ? Sa Parole est-elle vraiment vraie ?
Peut-on vivre de cette manière-là ? N’est-ce pas un manque de réalisme ?
Ne doit-on pas adapter le message à l’époque et à la culture ? Dieu
peut-il vraiment avoir de telles exigences ?
C’est donc finalement à sa vision que se confronte notre propre
estimation des choses, et c’est notre souveraineté, notre propre
capacité à décider de notre destin, qui est mise en balance avec la sienne. Jusqu’à ce que nous entrions en conformité avec sa volonté, au
point de pouvoir dire : «ce n’est plus moi qui vis … mais c’est Christ qui vit en moi».
L’or éprouvé par le feu, c’est une foi en Dieu qui a démontré sa
véracité, qui a fait ses preuves, c’est-à-dire une vie qui suit le
Seigneur. La foi, c’est suivre. C’est ce que disait Jésus : « Vous êtes mes amis, si vous faites tout ce que moi je vous commande» (Jean 15/14).
Les enfants sont pleins d’illusions sur la vie, ils ont
donc besoin de se confronter à sa réalité : c’est alors que leur conception
passe au feu de l’épreuve, et ce qu’il en reste, c’est la vérité. Pour
le chrétien, c’est la même chose. Une foi qui ne suit pas est une foi
immobile, stérile. Mieux vaut un chrétien à la théologie pauvre, mais
qui est en mouvement, qu’un chrétien qui en sait beaucoup, et qui
dispense ses connaissances depuis sa chaise. L’élève devient un disciple en devenant un maître en pratique.
C’est ici le chemin : marchez-y. La sanctification ne doit pas être
regardée comme un but, mais comme un moyen de parvenir au but.
Être comme Jésus, c’est marcher comme Jésus. Car le but de l’Esprit est de nous amener à marcher comme Jésus lui-même a marché : « Celui qui dit qu’il demeure en lui, doit aussi marcher comme il a marché lui-même» (1 Jean 2/6).
Jérôme Prekel
Jacques 1/22 : « Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter, en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements»,
Romains 12/1 : «
Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos
corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de
votre part un culte raisonnable. …»
Luc 6/40 : « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, mais tout homme accompli sera comme son maître».
Galates 2/20 : «J’ai
été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis,
c’est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis
dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même
pour moi.»
1 Pierre 2/21
: «Et c’est à cela que vous avez été appelés, parce que Christ aussi a
souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses
traces»
1 Jean 4/17 : «Tel il est, tels nous sommes aussi dans ce monde».