Oh ! combien de syriens et combien d'éthiopiennes
Qui sont partis anxieux vers l'Europe lointaine,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Dix mille ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Par notre indifférence à jamais enfouis !
Qui sont partis anxieux vers l'Europe lointaine,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Dix mille ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Par notre indifférence à jamais enfouis !
Dans leurs embarcations englouties par le large !
La misère de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle elle a tout dispersé au grand soir !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi leur âme, et l'autre leurs espoirs !
La misère de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle elle a tout dispersé au grand soir !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi leur âme, et l'autre leurs espoirs !
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts ces frontières qui tuent.
Que de jeunes parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont ainsi morts en échouant, épuisés sur une grève
Aux portes de l'Europe qui d'eux n'a pas voulu !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts ces frontières qui tuent.
Que de jeunes parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont ainsi morts en échouant, épuisés sur une grève
Aux portes de l'Europe qui d'eux n'a pas voulu !
On vous accorde parfois la Une des grands journaux.
Sans qu'on puisse vous nommer, on publie vos photos
On déplore vos malheurs, mais que peut-on y faire ?
Car l'Europe rêvée d'elle même n'est plus que l'ombre
A chaque jour qui passe, c'est un peu elle qui sombre
Quand elle vous laisse périr dans les goémons verts !
Sans qu'on puisse vous nommer, on publie vos photos
On déplore vos malheurs, mais que peut-on y faire ?
Car l'Europe rêvée d'elle même n'est plus que l'ombre
A chaque jour qui passe, c'est un peu elle qui sombre
Quand elle vous laisse périr dans les goémons verts !
Pendant qu'au village on se demande où sont-ils ?
Ont-ils enfin trouvé des terres plus paisibles ?
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, vos noms dans nos mémoires.
La honte, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur vos âmes défuntes jette le sombre oubli.
Ont-ils enfin trouvé des terres plus paisibles ?
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, vos noms dans nos mémoires.
La honte, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur vos âmes défuntes jette le sombre oubli.
Alors des yeux de tous, vos visages disparaissent.
Car il faut prendre son train vers la vie qui nous presse !
Pendant qu'en leur maison pétris par la douleur,
Vos parents aux fronts lourds, si las de vous attendre,
Pleurent votre absence en remuant la cendre
De leurs coeurs tremblants et de leurs corps en pleurs !
Car il faut prendre son train vers la vie qui nous presse !
Pendant qu'en leur maison pétris par la douleur,
Vos parents aux fronts lourds, si las de vous attendre,
Pleurent votre absence en remuant la cendre
De leurs coeurs tremblants et de leurs corps en pleurs !
Et quand la mer enfin referme vos paupières,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un marronnier qui s'effeuille à l'automne,
Pas même une complainte ni le chant monotone
Qu'ânonne un sans-papier abrité sous un pont !
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un marronnier qui s'effeuille à l'automne,
Pas même une complainte ni le chant monotone
Qu'ânonne un sans-papier abrité sous un pont !
Où sont ils les damnés noyés dans les nuits noires ?
O flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous nous les racontez ces rêves égarés,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!
O flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous nous les racontez ces rêves égarés,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!
Virginie Raisson-Victor
Il
y a ceux que l'ont peut encore photographier. Et il y a les 10 000 que
l'on ne verra plus.
Alors puisse Victor Hugo me pardonner d'avoir ainsi,
pour eux, réécrit Oceano Nox.
photo : Sergey Ponomarev |
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