25. Faisons tomber nos idoles
Juges 6.25 "Dans la même nuit, l’Eternel dit à Gédéon : Prends le jeune taureau de ton père, et un second taureau de sept ans. Renverse l’autel de Baal qui est à ton père, et abats le pieu sacré qui est dessus."
Dieu m'a rappelé l'épisode des bouteilles cassées, parce cette période a été charnière dans ma vie. Ce fut une année de transition, pendant laquelle mes parents étaient particulièrement stressés, parce que ma grand-mère paternelle était mourante.
Ma grand-mère paternelle avait jeté son dévolu sur moi (et pas sur mes sœurs). J'allais passer des jours et des nuits chez elle ; elle m'a appris à dessiner, peindre, coller, découper, jardiner… et je l'ai idolâtrée elle et sa maison, son jardin et tous nos moments de qualités. Toute ma vie, j'en ai fait ma grand-mère idéale, celle à laquelle je voulais un jour ressembler, quant à mon tour je serai grand-mère. J'ai décrit cette subjugation et les sentiments que j'ai ressentis à sa mort, dans le premier tome du Royaume du Trine, relatant ma prime enfance…
Extraits : "Le décor de sa plus tendre enfance avait une allure de jardin idyllique, un lieu de découverte et d'insouciante quiétude. Elle évolua, ainsi, parmi une abondance de poires juteuses et de framboises savoureuses, de bouquets de cassis acides et de groseilles translucides. Elle surgissait des feuillages géants, guignait les mange-tout bedonnants, toisait les tomates parfumées et se parait de bigarreaux cirés. Ce jardin à la terre noire et fertile était le berceau de sa vie, son jardin d'Eden, le lieu merveilleux de tous ses commencements. Dans l’atmosphère bucolique de cette nature effervescente, la rêverie ne l'a jamais quittée. Son âme poétique était reliée par tous ses sens à la terre. Ses couleurs et ses odeurs ont fortement contribué à former en elle une impression de nostalgie édenienne, l'incitant à rechercher le bonheur originel. Et cette soif d'absolu ne l'a jamais quittée, même quand elle dut partager son microcosme champêtre avec deux petites sœurs."
" Élevée dans un monde intérieur fait de livres et de crayons de couleurs, elle a très vite aimé les mots : ces farandoles de déliés, de caractères ronds et alignés qu'elle lisait et écrivait pour s'évader. Artiste en herbe, de sa petite main appliquée, Nymphéa esquissait aussi des mondes de fleurs en tissus découpés. Elle peignait en couchant des virgules d’aquarelles sur des papiers détrempés avec sa grand-mère paternelle. Grâce à sa fée bleue*, elle s'imprégnait de l’harmonie des nuanciers et réunissait des matériaux futiles, outils de ses créations volubiles. Tentant d'étancher sa soif d’encre en naïves efflorescences sur pages blanches, elle frémissait sous les gouttes serrées des pinceaux de soie imbibée, sous leur ruissellement glacé, concepteur de roses dragées et de pois de senteurs colorés. Puis le soir venu, sous l’édredon de satinette olive, pelotonnée contre sa fée bleue, elle accédait encore à d’autres rives. Car chaque soir, mère ou grand-mère, d’une voix chuchotée, la faisait s’envoler vers d’autres contrées, au rythme des contes et des chants, d’un imaginaire débordant. Bercée par des musiciens angelots et le chant mélodieux des oiseaux, elle se sentait en sécurité derrière les persiennes fermées."
* La Fée Bleue symbolise réellement la marraine dans le sens premier du terme, c'est-à-dire une mère spirituelle, guidant le voyage initiatique d'un personnage (tel Pinocchio de Carlo Collodi) par ses apparitions ingénieuses.
"Sous les yeux des anges de bronze, le temps s’écoula donc… neuf, dix, onze… Mais au rythme de leur mécanisme pendulaire, un voile d’ombre couvrit peu à peu son jardin de lumière. Inéluctablement, un fil de vie se détacha de l’ouvrage de son enfance et le lâcha. La main conseillère de sa fée bleue lui échappa et même si elles ne le voulurent pas, deux lumières azur fatiguées et fragiles s’éteignirent dans un battement de cils. D’un pas de velours, dans le silence, elle dut abandonner son jardin d’insouciance en effleurant d’un dernier baiser léger, une peau de pêche pâle et fanée. Dans la pénombre d'une vieille maison de briques rouges, elle abandonna ses trésors d'enfance comme un poids dont on se libère et qui vous laisse désespérément et douloureusement vide. La conceptrice de son univers champêtre, celle qui avait fait de son enfance un instant artistique, littéraire et insoucieux s'était évanouie à jamais, vers d’autres cieux. Accablée, elle ferma derrière elle la porte grinçante d’une vieille armoire odorante, pleine d’un bric-à-brac de jouets, de livres, de flacons de muguets, de tabatière parfumée, de beaux coquillages conservés et de souvenirs fossilisés… Un peu plus seule, elle grandit, cachant au creux de son cœur un cri, une larme incandescente, une soif de trésors intemporels et infinis. La mort tel un spectre maléfique avait fermé à double tour le cadre préservé de son jardin idyllique. À peine épanouie, Nymphéa referma donc, à douze ans, sa corolle opaline. Les années suivantes s’égrenèrent lentement, mornes et vides. C'était comme si la pluie avait effacé les couleurs de la vie et délayé toutes traces d’enthousiasme puéril. En apparence, rien n’avait changé. Son cœur était pourtant inexorablement teinté de mélancolie et de douce nostalgie…"
En réalité, c'était une femme de poigne, ambitieuse, orgueilleuse et vénale… J'étais sa petite fille, et elle a pris dans mon cœur une place qu'elle n'aurait jamais dû prendre : celle d'une idole et celle de ma mère. Ma grand-mère paternelle avait un tempérament tout à fait opposé au mien ; c'était une femme extravertie, pragmatique, insensible et adaptable. Son époux était un introverti, taciturne, narquois et braillard. Mais je n'ai appris tous ces détails qu'en automne 2019, alors que je faisais des recherches pour établir mon génogramme.
Le génogramme est un instrument d’analyse de la structure familiale qui permet de s’en donner une image graphique succincte et rapide souvent répartie sur trois générations et qui met en lumière les filiations et les ruptures de liens, les répétitions transgénérationnelles de comportements de dépendance ou les vulnérabilités. Il permet d'observer sa famille, non pour trouver la faute des uns et des autres, mais pour obtenir une image réaliste des influences saines ou malsaines qui se sont transmises de façon inconsciente de générations en générations. En prenant conscience de ces influences, il est possible, avec l'aide de Dieu, de comprendre comment nous nous sommes construits et ce que nous devons remettre en question dans nos vies.
Extrait de mon arbre généalogique
Mes grands-parents paternels :
André, né le 6 février 1913 à Gonneville-la-Mallet, en Seine-Maritime, en Normandie. (À 15 minutes d'Etretat). Il s'est marié à 24 ans, le 15 mai 1937 avec Mireille née le 07 avril 1910 à Aubin-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime, en Normandie, elle avait 27 ans. Elle était couturière. Elle est décédée d'un cancer du sein qui s'est généralisé, le 21 décembre 1978, à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime, en Normandie, à l'âge de 68 ans.
André avait un frère jumeau Jean Emmanuel marié à Madeleine le 15 mai 1937 à Aubin-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime, en Normandie.
Les frères jumeaux (Jean l'enjoué et André le taciturne) se sont mariés avec les deux sœurs (Madeleine et Mireille) le même jour et ils sont tous allés vivre à Paris, où les hommes ont trouvé du travail à l'usine Citroën.
1939 : Mauvaise année ! La mère de Jean et André est décédée en mars, et la guerre fut déclarée en septembre. André, Mireille et Madeleine sont revenus en Normandie et ils ont vécu chez les parents des deux femmes, alors que Jean est resté à Paris. Madeleine (l'épouse de Jean qui était alors enceinte) est morte en mettant au monde des jumeaux (morts nés). Jean s'est ensuite remarié en 1943 et il a eu une fille : Martine née en 1947.
Un secret de famille resté scellé pendant 80 ans :
Au décès de Madeleine, Mireille a réclamé le trousseau de mariage de sa sœur, parce que le couple s'était marié sous le régime de la séparation des biens. Outragé par cette requête, Jean s'est fâché avec sa belle-sœur et son frère jumeau. Gaston, le père des jumeaux a pris la défense de Jean, et allait souvent le visiter à Paris.
Après le décès de son père en 1949, André n'a pas hérité de la fortune de son père qui était percepteur. Il a alors ressenti une vive jalousie envers son frère, pensant qu'il avait reçu tout l'héritage et il ne l'a pas revu pendant quarante ans. André a accusé son frère d'avoir hérité de tout… mais ce n'était pas le cas. En fait Gaston avait donné son argent à une femme qui faisait le ménage et la cuisine chez lui, et à qui il avait fait un enfant, après le décès de sa femme.
C'est mon père qui a retrouvé son oncle Jean, après le décès de sa mère (Mireille)… et les deux frères Jean et André se sont réconciliés en 1989. Mais ce n'est qu'en 2020, alors que je faisais mon arbre généalogique, que nous avons su la raison pour laquelle les deux frères s'étaient fâchés pendant quarante ans. Ce secret de famille a été révélé à ma mère par la fille de Jean…
Ma mère était une femme effacée, soumise, réservée, attachée aux soins domestiques et à l'éducation de ses trois filles. Elle est tombée amoureuse de mon père alors qu'elle avait dix ans et lui onze. Les fenêtres de leurs chambres étaient l'une en face de l'autre, seulement séparées par une impasse. Lui habitait une grande maison bourgeoise et elle une maison ouvrière. Lui avait des aïeux notables et elle des aïeux ouvriers. Lui avait grandi dans une famille cupide et orgueilleuse ; elle dans une famille humble et généreuse. Elle rêvait du prince charmant qui ferait d'elle une princesse. Ils se sont mariés (à 21 et 22 ans) ; il a gravi les échelons professionnels, partant d'un certificat d'études jusqu'à devenir directeur commercial international. Il a sacrifié son couple et sa vie de famille sur l'autel de l'argent et des biens matériels. Ma mère est restée au foyer et a élevé ses 3 filles, à qui elle a voulu donner des prénoms de princesse. Elle a fait de sa maison une cage dorée dont elle n'a jamais voulu sortir. Elle a vécu dans le déni de tout ce qui pouvait se passer à l'extérieur de cette maison, gérant seule et au mieux son foyer et l'éducation de ses filles. Elle était introvertie, pragmatique, affective, organisée et codépendante passive.
Mon père était extraverti, pragmatique, non-affectif, adaptable, indépendant codépendant du succès, colérique et stressé.
Quand il n'était pas à la maison, c'était la fête ! on riait et on parlait à cœur ouvert. Quand il était à la maison, ça filait droit, on se taisait, tout tournait autour du "pacha" qui avait de nombreux hobbies (chasse, pêche, moto, bateau, piscine…) et qui invitait beaucoup d'amis et de clients internationaux à la maison. Il aimait manger et cuisiner des repas, dont il ramenait les recettes du monde entier.
Alors que j'avais dix ans, ma grand-mère paternelle est morte, après une longue année de souffrances pendant laquelle mes parents m'ont empêchée de la voir dépérir. Je me suis longtemps angoissée à l'annonce imminente de sa mort. Puis quand c'est arrivé, je n'ai rien ressenti. J'ai inconsciemment refoulé cette souffrance tout au fond de mon cœur, et peu à peu je me suis renfermée sur moi-même. Psychologiquement mon idole et ma figure maternelle étaient mortes, (outre mon hypersensibilité et "la loi du silence") voilà pourquoi ce décès a eu autant d'impact sur moi. Mes parents ne parlèrent plus d'elle ni de son décès… je pense qu'ils avaient du mal à gérer, car ma mère s'était occupée d'elle jusqu'à sa mort. C'est à elle que ma grand-mère a révélé qu'elle avait souffert pendant dix ans sans se faire soigner. Elle lui avait montré son sein tuméfié et ma mère avait été choquée. Cette année 1978 a été stressante pour toute la famille. Alors la mort et le cancer sont devenus des sujets tabous dont on n'a plus parlé.
En 1982, (j'avais 14 ans) j'ai de nouveau été confrontée à la mort, car mon grand-père paternel a eu une attaque cérébrale, alors qu'il déjeunait assis à côté de moi. Il est tombé dans son assiette et ce fut pour moi un réel choc émotionnel qui fit remonter toutes mes angoisses de la mort et de la maladie. A partir de cet instant, sans être consciente des raisons de mon mal être, j'ai commencé à souffrir de différents symptômes tels que des vertiges, des sensations d'oppression et d'étouffements, des palpitations cardiaques, des sueurs, des nausées... Au début, je n'osai pas en parler à mes parents (fameuse loi du silence !!!) puis le problème s'aggravant, j'ai dû leur expliquer ce qui m'arrivait. Mes parents ne comprenaient pas ce qui se passait et m'ont fait consulter plusieurs médecins, un spécialiste de la spasmophilie à Paris, un acuponcteur-homéopathe, sans succès. J'ai aussi été hospitalisée pour un encéphalogramme et des tests de l'oreille interne, et je suis ressortie avec du magnésium, du calcium et des calmants à prendre. Mais j'allais de mal en pis, les tranquillisants m'assommaient et me rendaient accro. Du coup, j'ai vite arrêté tout traitement et à 17 ans, je suis devenue hypocondriaque et agoraphobe*.
*A l'époque je ne connaissais pas la source de mes problèmes et ce dont je souffrais. Je n'ai pas voulu consulter de psychologue et personne ne m'a jamais parlé de crises de panique ou d'agoraphobie. C'est seulement 15 ans après avoir trouvé la guérison, quand j'ai commencé à m'intéresser à la relation d'aide et aux bases de la psychologie que j'ai compris de quoi j'avais souffert pendant 5 ans et pourquoi cela avait commencé.
Cela compliquait vraiment ma vie de lycéenne, car je passais le plus clair de mon temps à l'infirmerie et ne supportais pas la foule (faire la queue pour aller à la cantine, traverser la cour du lycée, marcher seule en ville...) beaucoup trop de circonstances déclenchaient des crises que j'essayais de gérer seule, par autosuggestion et en essayant de contrôler ma respiration. Mes copines m'ont lâchées, parce qu'elles n'avaient pas envie de trainer une malade derrière elles ; je me sentais donc seule et incomprise. A 17ans, à force de me battre seule contre tous mes maux sans trouver de solutions, j'ai sombré dans une dépression nerveuse. Je passais mon temps à pleurer parce que je ne voyais pas le bout du tunnel, et je désespérais de trouver une solution à tous mes maux. Je me demandais comment je pourrais construire ma vie d'adulte avec ce problème qui m'handicapait tellement !
Questions
Prenez-vous conscience que vous avez idolâtré certaines personnes dans votre vie, qui ont aujourd'hui besoin de prendre une autre place dans votre cœur ? Qui et pourquoi ?
Faites un génogramme familial (incluant vos parents, vos grands parents et vos arrières grands parents). Réfléchissez aux influences générationnelles, à l'état d'esprit des uns et des autres, des interactions entre les uns et les autres…
Des vérités ont-elles besoin d'être mises à la lumière divine ?
Méditez Juges 6.25 avec le plan de méditation biblique et de prière proposé au début de cette étude.
Pour aller plus loin
Vous pouvez lire : "Le chemin de libération"
d'Anne-Marie Sirakorzian.
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