Emmerveillement originel

 

Dès que je  fus capable de mettre un pied devant l'autre, je m'aventurai avec curiosité et légèreté dans les chemins herbeux, à la découverte de la nature maritime et champêtre qui m'entourait. Sur les traces géantes de mon père, main dans la main, ou assise dans une brouette moelleuse chargée d’herbes fraîches, j'appris à apprécier la nature et à lui ouvrir tous mes sens.

C’est ainsi que je fis mes premiers pas, en observant les escargots gluants, en effleurant les champignons glissants et en me piquant aux pissenlits dentés. Barbouillée de mûres écrasées, je me faisais bousculer par les truites arc-en-ciel et dansais parmi les papillons frêles, comme une petite naïade virevoltante au cœur des graminées échevelées et détrempées. Mes petits doigts effleuraient les courants clairs et froids des rivières éblouissantes de lumières et de frémissements éphémères.

Fleur des eaux calmes et poudrées, je me laissais porter au gré des courants nonchalants et devenais la spectatrice émerveillée d’étranges ballets aquatiques, de chorégraphies aériennes d'akènes à aigrettes, de libellules et d'insectes tournoyants à tous vents. Puis le soir m’enveloppant, repue de berceuses eurythmiques, je m’endormais tranquillement dans les bras de ma mère parfumée de bouquets de lilas enivrants.

 

Les saisons m’abreuvèrent de couleurs m’imprégnant chacune jusqu’au cœur. Elles défilèrent porteuses d’expressions me marquant de leurs émanations: Mémoire tactile et empreintes de doigts sur le printemps, la douceur de ses pétales fraîchement éclos et la rondeur de ses bourgeons luxuriants. Chroniques d’été aux cerises lustrées, et aux pêches veloutées, souvenirs de forêts d’automne, de châtaignes policées et de plumes huilées, d’hiver aux guirlandes de jacinthes satinées et de neige glacée. Souvenirs olfactifs d’une maison cocon qui exhalait les baies mûres, l’arôme sucré des confitures, le vin chambré qui coulait vermeil, et les feux de cheminée crépitant sans pareil!

C’est ainsi que je m'édifiai: palpant, croquant, humant, les yeux grands ouverts, émerveillés, dans les prairies vertes et détrempées.  Je m’imprégnai de simplicité rustique, entourée d’animaux familiers, fidèlement gardée par un chien pataud, me proclamant rapidement la chef de file de canetons dandinant et d'agneaux dociles, la bienfaitrice de poussins duveteux et de lapereaux au pelage soyeux. Le décor de ma plus tendre enfance n'était qu'un jardin idyllique, un lieu de découverte et d'insouciante quiétude. Ainsi j'évoluais parmi une abondance de poires juteuses et de framboises savoureuses, de bouquets de cassis acides et de groseilles translucides. Je surgissais des feuillages géants, guignais les mange-tout bedonnants, toisais les tomates parfumées et me parais de bigarreaux cirés. Ce jardin à la terre noire et fertile était le berceau de ma vie, mon jardin d'Eden, le lieu merveilleux de tous mes commencements…

 

J'ai conservé cette aptitude à m'émerveiller face à un lever de soleil, devant l'immensité de la mer…  La nature est pourvue d'une telle palette de couleurs, d'une telle variété de senteurs et de sons naturels, qu'aucun tableau et qu'aucune symphonie ne peut l'égaler.

 

Vous arrive-t-il comme moi de vous lever à l'aube juste pour contempler le lever du soleil dans le silence du matin?

Ce seul spectacle est capable de m'apaiser et de me connecter au créateur de toutes ces merveilles!

Le roi David, qui lui aussi avait perçu cette magnifique réalité, a dit au Psaumes 19/1: "Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains."

 

Dieu nous a créés avec des organes sensoriels capables d'apprécier le monde qu'il a façonné pour nous.

Avez-vous gardé votre âme d'enfant capable d'être fascinée par le vol d’un héron,  la digestion d’une couleuvre ou la discipline d’une colonie de fourmis?

 

Prenez le temps de vous arrêter, de sortir des sentiers battus et de vous laisser subjuguer par la beauté de la nature qui vous entoure, avant que la main de l'homme insensé parvienne à tout altérer et à tout défigurer.