mercredi 25 septembre 2024

Indigo

 


© Copyright 2022 LAVIE Sophie.

Tous droits réservés.

Dépôt légal 2ème trimestre 2022

 

 


Avant-propos

 

Ce livre est une fiction s'appuyant néanmoins sur la généalogie de mon grand-père paternel Henri Dorival (1902-1971), et sur des lieux et des faits historiques réels. Pour plus de crédibilité, j'ai écrit les dialogues en normand, avec l'aide de plusieurs dictionnaires de patois des localités citées.

Ce roman retrace l'année 1872, dans la vie d'un couple d'ouvriers du textile, habitant à Elbeuf, dans le département de la Seine-Maritime, en Normandie. L'héroïne, qui s'appelle Eugénie, est une orpheline à la recherche de ses origines. En quête de vérité au sujet de ses racines familiales, elle surmontera de nombreux obstacles et fera une découverte dépassant ses espérances.

 

Sophie Lavie


Un peu de généalogie :

 

Louis Dorival est né le 25 aout 1815 à Oissel, en Normandie, au lieu-dit "les roches". Il fut teinturier dans l'industrie textile d'Elbeuf. Le 7 février 1837, il épousa une jeune orpheline qui travaillait comme épinceteuse[1] à Elbeuf : Victorine Hédoin, née le 10 aout 1817 à Orival. Le couple vécut là jusqu'en 1843, puis à Cléon jusqu'en 1846,et enfin à Elbeuf dès 1850. En 1844, à la mort de son père qui s'appelait Jean Gérôme Dorival, Louis prit en charge sa mère, nommée Flore. Celle-ci survécut à son fils et à sa belle-fille, décédés tous les deux en 1870 et elle mourut à l'âge de 85 ans, en 1874.

Louis et Victorine ont eu dix enfants :

Louise, née en 1838. Elle exerça le métier d'épinceteuse et épousa Théodule Bance le 2 septembre 1867. Ils vécurent rue de Bourgtheroulde à Elbeuf.

Gustave, né en 1842. Il exerça le métier de fileur et se maria le 12 septembre 1868 avec Constance Loiseau (1842-1880) qui était épinceteuse. Eux aussi vécurent rue de Bourgtheroulde à Elbeuf. Ils eurent six enfants : des jumeaux Charles et Marie en 1869, Marceline en 1871, Alexandre en 1872, Marie-Louise en 1875 et Louis en 1876.

Alphonse, né en 1844. Il exerça le métier de fileur et se maria le 19 novembre 1870 avec Sophie Clerian (née en 1847) qui était débarreuse[2]. Ils vécurent rue Royale à Elbeuf et eurent deux enfants : Léontine en 1871 et Léopold en 1873.

Florence, (1846-1873). Elle exerça le métier d'épinceteuse et se maria le 12 février 1866 avec Jules Loiseau (né en 1841 et frère de Constance) qui était fabricant de cordes. Ils vécurent rue de Bourgtheroulde à Elbeuf et eurent deux fils : Pierre en 1866 et Georges en 1872.

Napoléon, né en 1848. Il exerça le métier de fileur et se maria le 4 juillet 1874 avec Léontine Clerian (née en 1853 et sœur de Sophie) qui était épinceteuse. Ils vécurent rue Royale à Elbeuf et eurent deux filles : Jeanne en 1877 et Léontine en 1880.

Louis, (1848-1903) frère jumeau de Napoléon. Il exerça le métier de teinturier et se maria le 6 janvier 1872 avec Eugénie Buquet (1851-1917), une jeune orpheline qui était épinceteuse. Ils vécurent 10 rue du Pré Bazile à Elbeuf et eurent huit enfants : Albert en 1872, Mathilde en 1873, Eugène[3] en 1875, Augustine en 1877, Ernest en 1878, Malvina en 1879, Léopold en 1882 et Marcel en 1892.

Justine, née en 1852. Elle exerça le métier d'épinceteuse et se maria le 25 juillet 1870 avec Jules Buquet (1845-1883) qui était cordonnier. Ils vécurent 7 rue Berthaud à Elbeuf.

Alfred, né en 1854. Il exerça le métier de trieur de laine et se maria le 14 septembre 1872 avec Flore Dorival[4] (née en 1854) qui était épinceteuse. Ils vécurent 18 rue des Rouvalets à Elbeuf.

Valentine, (1856-1887). Elle exerça le métier de rentrayeuse[5] et se maria le 17 mai 1873 avec Auguste Bidault (né en 1848) qui était couvreur. Ils eurent un fils : Alfred en 1886.

Gustine, (1861-1933). Elle exerça le métier d'épinceteuse et se maria le 9 novembre 1878 avec Gustave Lambert (1856-1925) qui était laineur.

 

Introduction

 

Comme vous avez pu le constater à travers leur généalogie, tous les membres de cette grande famille Dorival habitaient à Elbeuf[1], une ville dont le drap était apprécié pour son exceptionnelle qualité, depuis plus de deux siècles. C'est en effet Colbert[2] qui avait autrefois contribué à affermir sa notoriété, dans tout le royaume et au-delà des frontières, en créant en 1667 la manufacture du drap d’Elbeuf. À la fin du XVIIIe siècle, cette industrie tournait encore à plein régime, attirant une main d’œuvre nombreuse. À tel point que Bonaparte[3], visitant la cité drapière, s'exclama : "Elbeuf est une ruche, tout le monde y travaille !" À partir de ce jour, la ville conserva une ruche et des abeilles sur ses armoiries ; mais loin de l'image bucolique, cette ville en plein essor ressemblait davantage à un enfer qu'à un pays où coulait le miel. C'était un trou noir et sale, rempli de fumées qui s'échappaient de dizaines de cheminées[4], surmontant de nombreuses usines.

La famille Dorival vivait au nord-ouest de cette ville, dans un quartier traversé par un affluent de la Seine nommé le Puchot.  Quoique son débit fut faible, ce petit cours d'eau froide et limpide avait fait autrefois la fortune industrielle d'Elbeuf. Sur ses rives basses et tortueuses s'entassèrent peu à peu des centaines de fabriques de draps, exigeant de l'eau pour laver et dégraisser les laines. Par conséquent, la rivière insignifiante, qui avait donné à Elbeuf tant d'élan, se corrompit rapidement, étouffée par les hautes maisons de briques rouges à pans de bois[5] et leurs cours profondes construites confusément. Transformé en quartier, ce lieu paisible, devint rapidement un cloaque, desservi par des ruelles étroites qui charriaient des eaux épaisses, comme des bouillies laiteuses chargées de terre à foulon[6]. Sous prétexte de remblai, on y déchargeait aussi bien des décombres que des produits de terrassements ou de démolitions, auxquels se mêlaient toutes sortes d'excréments et d'ordures ménagères renversées par les chiens errants et délayées par les fréquentes averses. Au fil du temps, la ville s'encrassa de noix de galle[7], d'indigo[8] et de bois de Campêche[9], et le Puchot devint un repère d'ivrognes et de bagarreurs aux mœurs douteuses. Sinistre berceau que ce quartier sordide, triste terreau que cette ville dans laquelle naquit et vécut toute une génération d'ouvriers, travaillant durement à toutes les étapes de la fabrication du drap[10]

 

Suite



[1] Le sens étymologique de ce mot, issu du danois et du normand,  est : village au bord du cours d'eau.

[2] À partir de 1665, il est l'un des principaux ministres de Louis XIV, en tant que contrôleur général des finances, secrétaire d'État de la Maison du roi et secrétaire d'État de la Marine.

[3] Napoléon Bonaparte, (1769-1821) fut premier empereur des Français du 18 mai 1804 au 6 avril 1814.

[4] On a appelé Elbeuf la ville aux cent cheminées.

[5] Façon ancienne de décrire les colombages.

[6] Argile utilisée pour dégraisser les tissus.

[7] Excroissance produite sur le chêne, par la piqûre de certains insectes qui servait à teindre la laine en noir.

[8] Des arbustes nommés indigotiers cultivés dans les empires coloniaux à partir du XVIIe siècle fournissaient la matière première du bleu indigo naturel, d'un bleu très intense.

[9] Bois servant à teindre la laine en violet ou mauve.

[10] Le drap d’Elbeuf est une étoffe épaisse de laine peignée, réalisée à partir de fibres courtes et de couleur sombre.


[1] Ouvrière qui débarrassait le drap de ses impuretés.

[2] Ouvrière qui faisait disparaître avec un pinceau les défauts de teinture existant dans les étoffes.

[3] Eugène fut le père de mon grand-père maternel, Henri, né en 1902 à Elbeuf.

[4] Bien qu'elle portait le même nom de famille que son mari, elle n'avait aucun lien de parenté connu avec lui.

[5] Ouvrière qui réparait les déchirures des étoffes et qui travaillait dans le même atelier que les épinceteuses.

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